Article paru dans le numéro 102 octobre 2007,
Individualisme et production de l’urbain
Guénola Capron, Monica Lacarrieu, Maria Florencia Girola
L’urbanité périphérique latino-américaine. Lotissements résidentiels sécurisés et fermés.
Une grande partie de la littérature qui se penche sur ce que nous désignons comme des « ensembles résidentiels sécurisés » repose sur le présupposé suivant : les gated communities produisent une urbanité sans lien due à une exacerbation de l'individualisme contemporain des classes moyennes qui décident d'aller vivre dans des lotissements périurbains. Le développement des ensembles résidentiels sécurisés en Amérique Latine s'inscrit dans un mouvement de poursuite et d'intensification de l'expansion périphérique de classes moyennes, mais il est loin d'être exclusif des espaces « périurbains ». La conception de l'individualisme portée par ces choix de vie, certes de plus en plus personnalisés, si elle repose sur une valorisation du libre-arbitre, n'est cependant pas nécessairement synonyme d'émancipation, y compris dans les milieux relativement aisés, comme le montre la vie quotidienne des femmes. L'adhésion plus ou moins contrainte aux modèles et aux modes de vie périurbains n'est pas sans conséquence sur leur sentiment de solitude, variant beaucoup en fonction des trajectoires, des activités quotidiennes des individus. Le voisinage ne construit pas ce « sentiment de communauté » fantasmé. La peur de la ville peut être plus largement une peur de l'autre qui s'inscrit dans un processus plus large d'individualisation sociale au prix d'une insécurisation aux contours flous.