Aller au contenu - Aller au menu principal - Aller à la recherche

numéro 108
octobre 2013

Figures nouvelles, figures anciennes du commerce en ville

Si les rapports fondateurs entre l'urbain et la fonction commerciale ont été soulignés avec insistance par les historiens et les autres chercheurs des sciences sociales dès la fin du XIXe siècle, la nature des relations évolue rapidement en fonction des nouvelles formes de révolution commerciale. La stratégie des grands groupes de distribution a abouti à la définition de polarités, parfois non "planifiées" a priori par les autorités urbaines, le commerce façonnant lui-même désormais la ville. Cette inversion d'un ordre des facteurs d'insertion commerciale dans la morphologie urbaine et l'ensemble des recompositions conséquentes. Le large éventail des formats de magasins, l'offre qu'ils proposent, leur hétérogénéité architecturale, la diversité de leurs implantations sont allés croissants. Protéiforme, le commerce apparaît présent tant dans l'urbain central, suburbain, que dans les fragments de la "ville-archipel" et sa dilution rurale. L'extrême diversité des comportements des consommateurs - selon leurs socio-types, selon sensibilité aux campagnes de marketing, selon les temporalités, etc. - aboutit à des recompositions permanentes des systèmes commerciaux des villes occidentales. La grande mobilité, voire la versatilité des clients, citadins et autres périurbains, ont pour pendant des mouvements ascendants et descendants des localisations marchandes, des spécialisations commerciales représentées, des types d'établissements. Face à ces "révolutions permanentes", des enjeux renouvelés apparaissent et des thèmes d'analyse diversifiés peuvent être privilégiés : Quelles formes nouvelles revêtent les restructurations urbaines et commerciales ? Quelle place pour le commerce dans la résilience de quartiers urbains ? Comment les nouvelles formes de mobilité et de temporalité des citadins induisent une adaptation commerciale ? Quelles sont les mutations des comportements et pratiques de chalandise dans les divers espaces urbanisés ? Quelle adéquation ou contradiction apparaît entre les stratégies des groupes commerciaux et les choix d'urbanisme ? Quels poids le commerce et ses inductions représente-t-il dans les économies urbaines ? Comment le commerce informel contribue-t-il à façonner la ville ? Quelles nouvelles organisations spatiales de l'économie urbaine révèlent le commerce issu de l'immigration ? Cet appel à articles a suscité un large engouement puisque près d'une trentaine de propositions nous sont parvenues. Les dix textes retenus se sont emparés largement des questions soulevées. Ils couvrent une large part des questions soumises et émanent d'un large spectre disciplinaire. On peut, par exemple, y trouver le travail d'une archéologue sur les "maisons longues" durant le Haut-Empire romain et des disciplines plus habituellement rencontrées dans la revue telles la sociologie et la géographie. Les articles donnent à voir une large diversité de contextes et de terrains (Algérie, Paris, Istanbul, Bruxelles). Si la stratégie territoriale des grands groupes commerciaux est illustrée par les cas de Carrefour et Monoprix, il faut signaler qu'aucun chercheur n'a pris le rôle du commerce dans l'économie urbaine comme objet central de son propos. Toutefois, nous pouvons regretter l'absence d'articles sur des questions qui nous semblaient pourtant importantes comme les nouvelles pratiques de consommation que ce soit le e-commerce, les nouvelles stratégies commerciales déployées dans les gares, pratiques installées ou émergentes et qui, nous semble-t-il, structureront l'urbain de demain. Marie-Flore Mattei, Bertrand Vallet Ce numéro a été co-construit avec Jean Soumagne, professeur de géographie à l'université d'Angers.